Depuis presque vingt ans, je tends l'oreille dans les cafés parisiens pour surprendre - et consigner - les conversations insolites. Ces rencontres éphémères qui sont le propre de la sociabilité des  bistrots, des rades, des bougnats, des troquets et des zincs. Ces monologues de hasard qui unissent avant de se défaire. On  parle d'argent, d'amour et de Dieu. Bref, on parle de soi, sans jamais se raconter. Dans une solitude assourdissante. Dans un alcool quotidien. 


Cette série, qui mêle textes et photographies, n'est encore qu'un brouillon. Elle est ici présentée comme tel.





Les temps sont tristes. C’est la guerre des tribulations. Parce cette personne s’est transformée de l’homme en l’homme. Mais cette personne n’existe pas. Quand elle viendra, mais je ne sais pas si elle viendra,  un cheval noir tirera son corbillard noir, sa veuve sera là, et des corbeaux noirs, et des vautours et des mésanges se poseront sur le ciel. Et tout s’abîmera dans la tempête.





Y a que l’argent dans nos vies y a que l’argent qui compte pour de vrai, on a tout fait pour se réduire à ça, tout, et on a réussi vous vous rendez compte maintenant en-dehors de l’argent on est zéro vous êtes pas d’accord avec moi qu’y a que l’argent ?, si si vous avez raison on est des esclaves, de la merde, des moins que rien, mais non ! vous exagérez faut pas dire ça on n’est pas des esclaves non non c’est trop facile après on croit qu’on est des victimes non on n’est pas des victimes on est des machines à tuer, à tuer et à s’reproduire, voilà c’qu’on est, on s’résume toujours à ça on n’en est pas sorti, la vie la mort la vie la mort de toute façon on n’arrive pas à en sortir on peut pas c’est métaphysique c’est trop dur trop compliqué on n’a pas les bons cerveaux, vous imaginez penser à la vie et à la mort ce que ça fait dans l’cerveau un méli-mélo du tonnerre c’est un vrai vertige y a de quoi tomber raide et jamais s’relever voilà boum on tombe et après on est bien avancé parce qu’il faut trouver le courage de s’relever si vous voyez c’que j’veux dire, c’est comme l’amour ça fait trop mal la religion ça aide moi j’dis faut croire en Dieu faut croire en quelque chose ça nous apprend à aimer la vie à la respecter comme ça on appréhende le vertige on appréhende quelque chose quoi, pour les plus chanceux, pour les plus chanceux ou pour les aventuriers, c’est le vertige qu’y voient, le grand vertige la grande roue plein les mirettes bing ça brille et après plus rien. Ça donne une image du néant.

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