Sharon est issue d’une union mixte. Si ses deux parents sont israéliens, son père est de nationalité palestinienne et sa mère juive. Comme il n’y a pas d’état civil en Israël, ses parents ont dû se marier à Chypre puis faire reconnaitre leur union. D’un point de vue religieux, Sharon n’est ni musulmane, ni juive et elle déteste Israël. Elle ne se sent chez elle nulle part. Et veut émigrer aux États-Unis.
Saül est garagiste. D’une famille de garagistes. La vocation, c’est le grand père Dudel qui l’a eue. Né en 1905 à Lodz, dans une famille d’ouvriers du textile, il a travaillé très tôt. A la mort de sa mère, comme la famille était pauvre, il fut relégué aux derniers rangs de la synagogue du quartier, à quelques pas de la porte, porte qu'il franchit sans remord pour aller jouer dans la rue pendant les offices. C’est ainsi qu’il prit ses distances avec la religion. Vers 17 ans, il se rapprocha du parti communiste polonais, où il apprit à lire et à écrire. C’est devenu sa deuxième famille. Il fit quelques années de prison pour menées subversives pendant lesquelles il rencontra un détenu passionné d’automobile qui lui appris tout ce qu’il fallait savoir sur le fonctionnement d’un moteur grâce à des schémas hasardeux griffonnés sur des morceaux de papier récupérés çà et là. Une fois sorti, il se maria et eut vite un enfant. Un jour de décembre 1939, alors que la Pologne était envahie et que a guerre faisait rage tout autour, il vit des soldats allemands sortir d’une beuverie pour pendre trois juifs sur l’artère principale. Le soir même, il fuyait vers l’est, vers la zone occupée par les Soviétiques, avec sa famille. L’URSS était à l’époque le seul État à accepter de recueillir les réfugiés juifs, qu’elle transférait, pour la majorité d’entre eux, vers les républiques d’Asie. C’est ainsi qu’il fut envoyé avec sa femme vers le lointain Ouzbékistan. En 1945, il voulut revenir en Pologne mais n’y parvint pas et se retrouva perdu dans un camp de réfugiés en Bavière. Il prit contact avec l’Agence juive qui l’envoya à Marseille puis en décembre 1948 à Jaffa.
Il fut inhumé en Israël, pays qui lui resta toujours étranger. Il continua à parler yiddish, à espérer la neige épaisse en hiver, à dénigrer la religion et à se sentir coupable de voler la terre d’un autre. Sur sa tombe, le jour de son enterrement, ses camarades chantèrent L’Internationale.
Sarah. Sa grand-mère Gitti était cultivée et polyglotte. Issue d’une famille d’intellectuels de Cracovie, elle avait tenu à rester en Pologne en 1939, pour aider les familles juives à s’exiler. Elle fut arrêtée en février 1940 et torturée par la Gestapo. Laissée pour morte, elle réussit à s’échapper en se cachant dans un camion. Elle marcha, seule, pendant 21 jours pour rejoindre la zone soviétique. Par égard pour son activité de résistante, elle ne fut pas déplacée dans une république asiatique et put rester en Europe où elle retrouva son mari. Elle tomba en 1941 aux mains des nazis et fut envoyée dans un camp d’extermination. Son mari eut le temps de fuir, emmenant avec lui leur fille unique. Ils furent cachés par une fermière polonaise jusqu’à la fin de la guerre, puis émigrèrent à Jaffa en 1947.